Un article de Vivien Pertusot pour le Petit Journal qui date du 25 mars 2008 :
Alors que certains musulmans s’étonnent du grand nombre de
magasins qui vendent de l’alcool, Le Petit Journal.com dresse le
portrait d’un employé musulman un peu atypique, dans un univers
majoritairement chrétien
Ahmed, responsable de Drinkies Maadi (photo Vivien Pertusot)
Un
parlementaire affilié au Frères Musulmans se plaignait récemment de la
recrudescence de magasins vendant de l’alcool. Pourtant, le
gouvernement égyptien ne fournit plus de licence pour les boissons
alcoolisées. En fait, plus qu’une réelle augmentation, c’est un
raz-de-marée de l’enseigne Drinkies qui franchise des points de vente
déjà licenciés. Il est vrai qu’un magasin à l’enseigne ostentatoire
noire et orange fluo passe moins inaperçu qu’une petite épicerie un peu
sale et pâlichonne.
Les employés de Drinkies sont majoritairement
chrétiens. Leur religion leur autorisant la consommation d’alcool, il
leur est moins contestable d’en vendre dans une société où la charia
est reconnue par la constitution comme la principale source du droit.
Un musulman, responsable de magasin avec une sonnerie religieuse sur
son téléphone portable, est donc une espèce rare. Ahmed a 33 ans et
depuis peu il est en charge de la boutique de Maadi. Il travaille pour
Drinkies depuis quatorze mois. Il ne s’en cache pas : le boulot ne lui
plait pas, mais il faut bien gagner sa vie. Son lieu de travail est
loin de chez lui et "l'alcool n’est pas bon pour les musulmans". Il
ne consomme pas d’alcool, mais il n’est pas pour autant épargné par les
critiques. A la mosquée quand il va prier avec son polo noir estampillé
Drinkies". Et même dans le magasin où il sent un certain mépris à son
égard. "Les gens me disent : moi, je bois de l’alcool de temps en temps, toi tu en vends tout le temps", explique-t-il.
Etre
musulman et vendeur dans un magasin d’alcool n’est pas chose simple. Sa
famille le tolère, mais son père était furieux quand son fils a accepté
le poste. A Maadi, sur une équipe d’environ dix employés, seul un autre
est musulman.
Ahmed a été transféré à plusieurs reprises. Zamalek, Baba, Heliopolis et maintenant Maadi. "Il cherchait quelqu’un qui avait un bon niveau d’anglais",
ajoutant qu’il parle également le russe et l’italien. Diplômé en droit,
Ahmed a précédemment travaillé au service financier de Savoy et a
démissionné pour ouvrir une pharmacie avec sa sœur, étudiante en
médecine. Echec de l’entreprise et amende à la clé pour des différends
légaux, Ahmed s’est retrouvé chez Drinkies. En attendant mieux.
Avec
un salaire de 1.200 LE par mois, Ahmed ne s'en sort pas trop mal, mais
espère pouvoir se lancer de nouveau dans l’aventure pharmaceutique
d’ici peu.